Yan Le Gouar souhaitait acquérir un voilier, pour régater en club dans la région parisienne, où il vit, tout en conservant la possibilité de balades en mer. Assez vite, il lorgne ainsi du côté de l’Aile, un quillard rapide, marin et facilement transportable… « Sa finesse (1,58 m de large pour 7,10 m de long), l’équilibre de sa coque et son gréement élégant m’ont tout de suite séduit, explique-t-il, sans compter que c’est un bateau qui a une histoire. » En 1935, le Cercle nautique de Chatou – qui deviendra par la suite Yacht-club d’Ile-de-France (YCIF) – avait choisi ce plan de l’architecte finlandais Jarl Linblöm pour se doter d’un nouveau monotype, cinquante bateaux étant commandés au chantier finlandais Åbö sitôt les essais validés sur la Seine. Quant à son nom, il a été choisi en mémoire de Virginie Hériot, médaillée d’or en 1928 aux Jeux olympiques à bord de son 8 m JI Aile VI.
Pour tracer puis construire son Aile dans l’atelier de Nautique-Sèvres (Hauts-de-Seine), Yan s’est aidé de l’ouvrage de Georges-Paul Thierry Construis toi-même ton Aile, paru en 1956. Cinq ans après le début du chantier, la coque est aujourd’hui terminée et le charpentier amateur travaille à la pose des plat-bords et de l’hiloire en acajou, ainsi que des lattes en pin d’Oregon du pont.
En parallèle, il s’est aussi lancé dans une véritable chasse aux trésors pour récupérer des pièces d’Aile d’origine. Une quête qui lui a pris du temps, mais qui fut riche en rencontres avec des passionnés dans les hangars des clubs. « Ces donateurs montrent une réelle fierté à me fournir des éléments provenant souvent de bateaux connus, explique Yan. L’idée que mon bateau soit équipé de pièces d’époque me touche vraiment et redouble mon intérêt pour le projet. » L’Aile de Yan sera ainsi dotée d’un des six derniers lests d’origine subsistants après le bombardement du hangar du YCIF durant la Seconde Guerre mondiale (il jouxtait l’aérodrome des Mureaux…). À Nautique-Sèvres, lors d’un nettoyage de l’atelier, Yan a pu récupérer un mât et sa bôme qu’il va lui « suffire » de raboter pour arriver aux caractéristiques des espars de l’Aile. Sur Internet, il a déniché une ferrure de barre franche en laiton, dernier vestige d’une Aile détruite, qui vient compléter le safran d’origine, ainsi que les ferrures du gréement gentiment offertes par un membre du YCIF, dont l’Aile demeure le bateau emblématique avec vingt-cinq unités prêtes à courir. Quant à la garde-robe, point de récupération cette fois, mais un joli jeu réalisé par Jean Chevalier, voilier à la retraite (CM 275).
Yan estime qu’il lui reste aujourd’hui environ une année de travail – à raison d’un jour et demi d’atelier par semaine – avant que son Aile touche l’eau. « Qu’importe le temps, ce projet est aussi enrichissant par les rencontres qu’il génère que par sa finalité ! » • Michel Defaux