Au festival des Aventuriers de la mer, à Lorient, Le Chasse-Marée récompensait cette année un projet de protection des requins-baleines, une espèce en danger.
Chaque automne, au festival des Aventuriers de la mer de Lorient, le Prix des Initiatives maritimes récompense des projets apportant des solutions aux défis environnementaux et sociétaux contemporains. Lignes de mouillage biodégradables, capteurs de suivi de la vie océanique et des pollutions marines, prototype de voilier de travail polyvalent… tels sont les projets qui ont été distingués ces dernières années avec des récompenses délivrées par Audélor, la Région Bretagne, le Crédit Maritime, ou encore la fondation Explore.
Le projet récompensé par Le Chasse-Marée, qui a rejoint ces soutiens cette année, est porté par l’association Over the Swell. Il vise à favoriser la protection des requins-baleines dans le golfe de Guinée. « Depuis sa création en 2018, Over the Swell mène des actions de sensibilisation de la population aux enjeux océaniques », précise Hugues de Kerdrel, président de l’association. « Nous travaillons aussi avec des océanographes. En 2022, nous avons par exemple effectué une veille des cétacés en Atlantique, de Boston à Sainte-Hélène et au Cap-Vert, avec l’Institut océanographique de Woods Hole, basé à Falmouth, dans le Massachussetts. »
Cette première mission sert de fer de lance au projet d’envergure de l’association, la protection du requin-baleine (Rhincodon typus) en Atlantique Sud-Est. Si ces poissons sont plutôt bien étudiés dans l’océan Pacifique et l’océan Indien, les connaissances restent encore très lacunaires en Atlantique Sud, notamment en ce qui concerne leurs migrations, leurs modes de reproduction et leur mode de vie. « Ils ont pourtant un rôle important dans la chaîne alimentaire et dans le cycle du carbone. » Bien que sa capture soit interdite – il est classé en danger par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) –, le requin-baleine continue d’être pêché illégalement, pour ses ailerons principalement, notamment dans le golfe de Guinée. Les scientifiques estiment qu’en soixante-quinze ans, la population mondiale de requins-baleines a diminué d’environ 50 pour cent, voire 70 pour cent pour certaines zones.
L’association entend mettre en place un programme d’observation systématique des requins-baleines, qui semblent notamment se retrouver régulièrement près de l’île Sainte-Hélène, sans que personne ne sache vraiment pourquoi.
La mission devrait se dérouler jusqu’en 2030. « Dès ce mois de décembre, avec un protocole établi avec l’aide de douze scientifiques du monde entier, des requins-baleines seront marqués et suivis ainsi dans leurs migrations, mais aussi pris en photo et filmés. Ces documents seront intégrés dans une base de données mondiale et sur notre site pour permettre de reconnaître ces individus. »
Afin d’en apprendre plus sur leur fonctionnement communautaire, ils analyseront aussi leur ADN, et mèneront des études acoustiques pour connaître les espèces associées. Trois étudiants de l’université de Sao Tomé-et-Principe ont été formés pour veiller quotidiennement ces poissons, avec l’aide de pêcheurs locaux également sensibilisés et impliqués. Car Over the Swell tient à associer les habitants des pays riverains ainsi que leurs gouvernements : « Nous souhaitons éviter ce qu’il s’est passé au Sénégal, où les pêcheurs ont été autorisés à vendre leurs licences à des étrangers, chinois notamment, leur permettant de venir travailler dans les eaux nationales. Par ailleurs, la population locale connaît peu le requin-baleine. Même s’il a toujours été assez présent, il fait peur, alors qu’il est totalement inoffensif pour l’homme. »
Cette intégration de la population passe aussi par les écoles, où Over the Swell mène déjà des actions : les classes de primaire de certains établissements de Brest, Quimper, des pays africains du golfe de Guinée et de Sainte-Hélène bénéficient déjà de sessions spéciales avec des scientifiques sur les requins-baleines, et mènent des projets artistiques en commun autour de leur vision de l’océan.
Une fois les requins-baleines et leurs déplacements mieux connus, l’association souhaite mettre en place un couloir de protection entre le golfe de Guinée et l’île Sainte-Hélène, « ce qui n’est pas forcément évident car c’est l’une des zones les plus dangereuses au monde, à cause de la piraterie notamment. » Trois ans d’observation et d’étude permettront d’en définir les détails. Over the Swell espère impliquer les Nations Unies comme actrices de la surveillance du couloir, en partenariat avec les pays littoraux.
© Beth Taylor