©Mati Kose/Unesco

Au sein du parc national du Soomaa (« le pays des tourbières »), en Estonie, l’association Haabjas s’est engagée dans la sauvegarde d’une pratique de construction navale vernaculaire. Elle soutient notamment la fabrication de pirogues (haabjas), utilisées pour gagner les fermes durant les crues, ou pêcher dans le parc national, une vaste zone humide inondée lors de la fonte des neiges, appelée « cinquième saison ».
Après la création du parc, à la chute de l’URSS, l’association a été très active : durant cinq étés, elle a organisé des cours de construction de haabjas, lors desquels deux anciens constructeurs ont partagé leurs compétences avec de nombreux jeunes. Le savoir-faire a ainsi pu être préservé, malgré l’oubli dans lequel les pirogues étaient progressivement tombées. Après une pause d’une dizaine d’années, l’association a relancé son activité en 2015. En 2021, elle pilotait l’inscription de la « construction et des usages des pirogues monoxyles expansées [déformées par le feu] de la région du Soomaa » sur la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente de l’Unesco, et engageait une ethnographie de sauvegarde de la pratique. Des ateliers collectifs de construction de nouvelles pirogues et des échanges de bonnes pratiques entre praticiens ont également été organisés. Aujourd’hui, une cinquantaine de pirogues sont en activité ou protégées dans les musées, et le réseau de fabricants essaime au sein des pays frontaliers. Les haabjas sont construites en peuplier tremble. L’arbre est d’abord identifié, puis coupé et creusé à la hache, avant d’être expansé, puis travaillé à l’aide de branches d’aulne, servant à faire pression sur les bords, jusqu’à l’obtention de la courbure optimale. Un projet de musée vivant est en cours, il devrait ouvrir d’ici quelques années sur la commune de Tori.
www.haabjas.com
Anatole Danto et Aivar Ruukel

Publié dans Le Chasse-Marée 339 – Juin-Juillet