L’épave d’un bateau cousu a été sortie de l’eau en juillet pour son étude et sa conservation sur le long terme dans l’optique d’être présentée au public.
Près de la petite ville balnéaire de Zambratija, sur la péninsule d’Istrie en Croatie, les archéologues du Centre Camille-Jullian d’Aix-en-Provence (CNRS/Aix-Marseille Université) et du musée Archéologique d’Istrie, à Pula, mènent depuis fin juin une délicate intervention : ils sortent de l’eau l’épave d’un bateau cousu très ancien reposant par 2 à 3 mètres de fond. « Nous avons enlevé les premières pièces, précise Giulia Boetto, directrice de recherche au CNRS. Une fois les bois sortis, ils seront traités dans un entrepôt près d’ici pour les nettoyer et assurer leur conservation. Puis ils seront envoyés à Grenoble dans l’atelier de restauration ARC-Nucléart qui les traitera au polyéthylène-glycol et les séchera dans ses grands lyophilisateurs. »
Ce bateau cousu a été découvert en 2008 par un pêcheur de Zambratija. La datation au carbone 14, réalisée en 2009, a révélé qu’il aurait été construit entre la fin de l’âge du bronze et le début de l’âge du fer (1210-1140 avant notre ère), ce qui en fait la plus ancienne embarcation de ce type en Méditerranée. En 2011 et 2013, deux campagnes ont permis de l’étudier de façon exhaustive : d’environ 10 à 12 mètres, le bateau, dont une seule partie est conservée, présente une structure axiale façonnée dans un tronc en orme, de près de 50 centimètres de diamètre. Les virures, en orme aussi, sont cousues ensemble par des liens végétaux en point de surjet, qui n’existent plus mais dont les marques subsistent sur le bois. Les coutures enserraient de fines lattes en sapin qui servaient à maintenir un matériau d’étanchéité d’origine végétale. La coque était enduite de poix.
La campagne de sortie de l’eau est soutenue principalement par le ministère croate de la Culture et des Médias et le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères (programme « Adriboats – Navires et navigation en Adriatique orientale dans l’Antiquité »). Elle vise à affiner l’étude des bois et à préciser la datation de la construction par dendrochronologie. « Tout un projet de valorisation au musée Archéologique d’Istrie est en cours, ajoute Giulia Boetto. L’épave, à son retour d’ARC-Nucléart dans deux ou trois ans, devrait être exposée dans un nouvel espace muséal aux côtés de deux autres épaves de bateaux cousus datant de l’époque romaine et découvertes à Pula. Nous aimerions aussi mener un projet d’archéologie expérimentale en réalisant une réplique pour comprendre la construction, la tenue des ligatures et les capacités de navigation de ce type de bateau. » ◼
Maud Lénée-Corrèze