Cela fait aujourd’hui deux ans que nous vous proposons cette nouvelle formule du Chasse-Marée, qui vit désormais son rythme de croisière… si tant est que le terme de « croisière » convienne à un titre qui cherche à se renouveler à chaque numéro, Le Chasse-Marée ayant toujours mis un point d’honneur à éviter « marronniers » et redites. L’écrin demeure, comme l’ambiance, mais le menu se revisite chaque fois…

Concevoir un Chasse-Marée, c’est doser une multitude d’ingrédients : jouer avec les époques et les lieux, varier les thématiques pour satisfaire toutes les curiosités, illustrer avec des photos mais aussi des dessins et des plans… Cette nouvelle livraison par exemple nous emmène en Corse, sur une épave du XVIe siècle, à la découverte des métiers de l’archéologie sous-marine, aux Shetland où des charpentiers venus des quatre coins du monde font revivre avec magie un zulu, en Bretagne Sud pour explorer l’économie d’un armement thonier il y a cent ans… Aux Pays-Bas, on embarque pour une virée en voile-aviron; sur l’océan du monde, on raconte comment les scientifiques ont appris à connaître les vagues pour mieux les prédire. C’est aussi un nouveau rendez-vous que nous vous donnons sous la forme d’un verbatim, livrant telle quelle la parole des gens de mer et de rivières, sans rechercher l’histoire exceptionnelle ou l’actualité brûlante… mais la vie, simplement. Enfin, l’interview d’entame de ce numéro nous fait découvrir cette fois la géopolitique des mers sous un angoissant éclairage, qui a conduit à cette «une» peu habituelle dans notre histoire, où les bateaux traditionnels et classiques ont eu le plus souvent la part belle. Une couverture qui dit pourtant beaucoup de la réalité de notre revue aujourd’hui: donner à voir et à comprendre une culture maritime dans toutes ses composantes, afin d’offrir à nos lecteurs les clefs pour comprendre cet univers qui les passionne.

Une culture maritime qui doit d’ailleurs et peut-être plus que jamais faire l’objet de toutes nos attentions, comme vous pourrez le découvrir dans les pages du journal. Aux Pays-Bas, l’Earl of Pembroke (1948), star du cinéma, a été déconstruit. En Allemagne, le Norden (1870) a connu le même sort. À l’heure où nous bouclons ce numéro, en Angleterre, De Wadden (1917) n’a plus que quelques jours pour trouver un repreneur, faute de quoi il sera détruit. Plus près de nous, c’est le Concarnois Marche-Avec qui est aujourd’hui en souffrance faute de financements pour le réparer. Et jusqu’à notre porte : à Douarnenez, le Port-Musée serait en passe de perdre sa subvention départementale, un bruit à peine démenti par la maire de la ville, qui se trouverait alors seule à financer cette institution. À l’heure où les communes vont devoir faire face à une hausse considérable du prix de l’énergie, l’inquiétude est légitime, le devoir de réagir impératif.

Quant au Chasse-Marée, lui, s’il est toujours à flot, cela a toujours été sans aucun financement public, mais grâce à vous, lecteurs, et plus particulièrement à nos abonnés – nos ventes en kiosque, même si elles se maintiennent, nous aident à nous faire connaître mais elles ne sauraient à elles seules nous permettre de poursuivre notre travail à votre service, en ces temps où la presse entière souffre et où, nous aussi, nous faisons face à la baisse des abonnements, tandis que les coûts du papier augmentent. «Merci», nous déclarions-vous à la page précédente. On ne vous le répétera jamais assez.

Gwendal Jaffry

c. Mélanie Joubert