On le surnomme « Doc goélettes » parce qu’il connaît par cœur celles de l’École Navale, l’Étoile et la Belle Poule, lancées à Fécamp en 1932. Il les fréquente depuis son entrée à la Direction des constructions et armes navales (DCAN) à Brest en 1981. Près de quarante ans plus tard, Bruno Potin vient de prendre sa retraite après une carrière dédiée aux navires en bois de la Marine nationale.
Orphelin de père, il s’inscrit au concours très sélectif des apprentis de la DCAN par l’intermédiaire d’un voisin chef d’équipe à l’arsenal brestois. L’obstacle franchi, il choisit à seize ans la spécialité de menuisier charpentier en bois courbe. Ils sont trois « boiseux » sur une promotion de quatre-vingt-trois apprentis.
La formation le passionne. « On a été formés par des gars en or, qui maîtrisaient leur métier sur le bout des doigts, raconte Bruno. Ils avaient envie de nous transmettre leur savoir pour qu’il ne disparaisse pas. J’ai tout pris comme une éponge. » À l’issue de son compagnonnage ouvrier effectué en grande partie à l’atelier des Chaloupes et canots de la Marine, Bruno rejoint l’immense atelier bois de l’île Factice, sur la Penfeld, où sont réalisés tous les ouvrages en bois de la Marine. Six ans plus tard, il réussit le concours de technicien à statut ouvrier d’État et part en formation à Cherbourg. Une fois diplômé ès « structures bois », il revient à l’île Factice pour gérer la production de l’atelier et tous les gros travaux en bois des divers arsenaux. Il y restera jusqu’à la fermeture de l’atelier, en septembre 2005, année où la DCAN, devenue la Direction des constructions navales en 1991, change de statut.
En parallèle, le Service de soutien de la flotte (SSF) est créé pour assurer, au nom du Ministère de la Défense, le rôle d’intermédiaire entre les divers intervenants industriels civils et militaires de la maintenance des bâtiments et des sous-marins de la Marine nationale. Désormais, dès que les travaux d’entretien définis avec l’aide de l’équipage sont validés et financés, ce service se charge de commander ces travaux auprès d’entreprises privées. En 2005, le marché des voiliers est le premier à être externalisé, et en 2006, Bruno Potin intègre le SSF pour coordonner tous les arrêts techniques des bateaux en bois de la Marine. « À chaque fois, raconte-t-il, je rampe partout pour voir ce qui ne va pas afin de prescrire l’ordonnance du prochain marché. Ainsi, quand on me présente un devis, je sais dire si ça tient la route. » Tous les commandants et anciens commandants des voiliers de la Marine présents au chantier du Guip le 24 septembre dernier pour lui dire au revoir en témoignent !
À 55 ans, l’expert a choisi de prendre sa retraite. Gageons qu’il ne se désintéressera pas pour autant des bateaux en bois. Il semblerait qu’il s’intéresse à l’association Amerami (CM 309). Jean-Yves Béquignon