OLYMPUS DIGITAL CAMERA
Créer un couloir de protection pour les requins-baleines (Rhincodon typus) de l’île Sainte-Hélène jusqu’au golfe de Guinée, tel est le but de l’association Over the Swell, créée en 2018. Commencée en 2022, la mission, dénommée William, avance bien. « Des chasseurs plongeurs de Sao-Tomé-et-Principe ont été équipés de caméra GoPro, et ont permis d’identifier huit spots de requins-baleines, entre les deux îles de Sao-Tomé-et-Principe », précise Hugues de Kerdrel, président de l’association. Cinquante requins-baleines ont ainsi été photographiés sur ces sites, mais il est pour le moment difficile de déterminer s’il s’agit ou non de cinquante individus différents, ou si certains reviennent sur les clichés. Un travail d’étude des photographies est en cours pour répondre à cette question.
Outre les sites de passage des requins, une certaine saisonnalité a été identifiée : les requins-baleines reviennent le plus souvent en décembre et janvier, lors de la saison sèche, et pendant l’été, en juin, juillet et août. Les efforts se concentreront donc sur ces mois afin d’augmenter les chances de faire des observations : « dès que nous sommes sur place, surtout en décembre et janvier, nous sortons tous les jours, assure Hugues de Kerdrel. Et dès que nous avons vent d’une observation, on se rend sur place, en pirogue. » Les moyens à la mer restent modestes, et c’est notamment pour cette raison que l’association propose cette année, pour l’été, des activités d’éco-tourisme : « nous faisons venir des plongeurs pour un programme de science participative. Ils viennent plonger, mais aussi aider, faire de la science. Cela nous permet de gagner de l’argent et de faire affréter un bateau plus aisément. Une partie des fonds recueillis ira à la sensibilisation des pêcheurs. »
Ce dernier volet est une composante importante pour le travail de l’association : depuis deux ans, ils ont formé des « responsables » parmi les pêcheurs locaux pour diffuser des informations sur les requins-baleines à leurs collègues, en particulier le fait que ces animaux sont en voie de disparition et ne sont pas dangereux. « Nous sommes régulièrement en contact avec ces pêcheurs, précise Hugues de Kerdrel, et avons des retours sur leurs campagnes de sensibilisation. » La sensibilisation passe aussi par l’éducation des enfants : Over the Swell travaille avec les écoles bretonnes et santoméennes, et a notamment fait venir une plongeuse du continent pour former quatorze enfants d’une école de l’île de Sao-Tomé-et-Principe à la plongée en apnée. « Ils n’avaient jamais nagé, ajoute Hugues de Kerdrel, et là ils participeront désormais à des campagnes d’observation. »
Enfin, un consortium regroupant plusieurs pays concernés par la migration des requins-baleines a été créé, avec l’île Sainte-Hélène, le Cap-Vert et Sao-Tomé-et-Principe, afin de porter le projet au niveau régional et d’embarquer encore plus de pays dans la création du couloir. « Ce consortium composé de scientifiques et de responsables politiques locaux permettra aussi de favoriser le taguage des animaux à plus grande échelle et la mise en commun des connaissances scientifiques acquises pour réaliser une modélisation des routes des requins. Sur le plan éducatif, nous souhaitons aussi former des doctorants au Gabon et au Portugal pour l’étude de ces requins. »
Maud Lénée-Corrèze
Certains pêcheurs de Sao-Tomé-et-Principe ont été formés pour sensibiliser leurs collègues à la protection du requin-baleine. ©Hugues de Kerdrel/Over The Swell