Complètement has been, Christophe Colomb est aujourd’hui descendu de son piédestal, déboulonné à Chicago, à Boston, à Baltimore… Les « Grandes découvertes » du monde par les navigateurs européens ont perdu de leur lustre en même temps que le soi-disant « bon vieux temps des colonies » qu’elles allaient permettre.
Une soixantaine d’auteurs avaient proposé de nouveaux regards, croisés, sur quelque quatre-vingt de ces rencontres historiques dans un grand livre paru au Seuil en 2019, L’exploration du monde. L’orchestrateur de cet ouvrage, Romain Bertrand, revenait peu après dans un cycle de conférences un tant soit peu plus rock’n roll sur ce qu’il appelle « l’affaire Magellan ».
Qui a fait le tour de quoi ? Tout pourrait être dit dans cette question faussement ingénue, titre sous lequel le texte de ces causeries est paru. Il n’empêche que la lecture du livre, irrévérencieux mais solidement documenté, croisant sources nouvelles et éclairages anthro-pologiques avec la chronique du navigateur vénitien Pigafetta et les textes portugais, est aussi enrichissante qu’agréable. On y retrouve le jeune esclave malais que Magellan avait baptisé Enrique et emporté lors d’un précédent voyage, qui fut, de fait, le premier homme à boucler un tour du monde… restant néanmoins dans l’ombre, comme tous les supplétifs et autres sherpas en son genre. On comprend mieux, surtout, l’accueil fait aux navigateurs, leur perplexité, leurs incompréhensions – fatales, pour Magellan, qui périt à Cebu dans une calamiteuse et absurde expédition vengeresse – aux rivages où ils abordent, parfois isolés, parfois entre les navires des habitués, marchands indiens, chinois, arabes… C’est que, comme dit Romain Bertrand, « l’histoire ne débute pas avec l’arrivée des Européens en Asie, elle les y attend, avec un sourire narquois au coin des lèvres. » J. v. G.
> Qui a fait le tour de quoi ?, Romain Bertrand, Verdier, 144 p., 14,50 euros