Le chantier Brava, qu’on avait découvert à Rochefort voici un peu plus d’un an avec la construction de la réplique d’un plan Tertu, est désormais installé à Nantes où les charpentiers Pierre Cizeau et Antoine Renault s’attellent à la construction d’un Muscadet après avoir terminé celle d’un Corsaire.
Convaincu de l’intérêt de ces voiliers très marins et dont la série demeure active, Pierre Cizeau, le dirigeant de Brava, a choisi de se lancer dans ces chantiers tout en gardant à l’esprit que « pour que ça marche, il fallait être efficace dans la construction. » Du coup, il a numérisé entièrement le plan Herbulot de 1954 afin que ce dernier puisse faire l’objet d’une découpe numérique de ses pièces en contreplaqué et de son bâti de montage par Naviline. Une fois la construction de la coque de 5,50 m de long terminée, elle a été confiée à un ténor de la série qui s’est occupé de l’accastiller. Ce Corsaire est désormais à vendre pour 25 000 euros.
Si la construction des Corsaire n’a jamais été interrompue, ce n’est en revanche pas le cas de la série des Muscadet, plan Harlé de 6,40 m conçu en 1963, dont le dernier exemplaire a été mis à l’eau en 1979. Cette fois, Pierre a confié la numérisation à Eric Levet et son équipe du cabinet Lombard. « Ce qui est également intéressant dans cette aventure, poursuit-il, c’est qu’on s’est aperçu que le Corsaire – certes plus petit, et muni d’une dérive – fait davantage appel aux qualités mécaniques du contreplaqué que le Muscadet, pourtant plus jeune de neuf ans, mais dont la structure fait intervenir plus de “bois d’arbre”. Cela dit, il faut aussi reconnaître que ce dernier est d’une solidité à toute épreuve. Dans la série, on dit d’ailleurs que le seul problème qu’il peut rencontrer, c’est son skipper ! » Fort de ce constat et en accord avec l’association de classe qui s’est assurée que le déplacement et la répartition des poids seraient respectés, Pierre a choisi d’opérer quelques modifications sur cette coque construite à l’envers, où tous les éléments sont collés à l’époxy. Ainsi, les lisses diagonales des fonds ont disparu en faisant passer le contreplaqué de 9 à 12 mm d’épaisseur, en un seul pli sur la moitié arrière et en deux plis de 6 mm sur la moitié avant, où les formes travaillent beaucoup. Ils ont également fait descendre les cloisons jusque dans les fonds, ce qui n’était étonnamment pas le cas jusqu’alors. Par ailleurs, comme sur les unités les plus récentes, ils ont passé le toit de rouf en trois plis de 6 mm, ce qui permet de diminuer le barrotage. Enfin, la table à carte est beaucoup plus petite que sur le plan afin de valoriser le « carré ». « Quand on se lance dans un tel projet, poursuit Pierre, il faut également prendre en compte l’histoire de la série. Si le Corsaire a été construit à plus de cinq mille exemplaires par plusieurs chantiers, ce n’est pas le cas du Muscadet dont la quasi-totalité des sept cent cinquante coques sont sorties de chez Aubin. Du coup, le Muscadet est plus figé que le Corsaire, le Muscadétiste tenant autant à respecter le travail d’Aubin que celui d’Harlé. »
Début juin, le premier Muscadet Brava avait dépassé la mi-chantier, Pierre espérant pouvoir le présenter, avec le Corsaire, au prochain Grand Pavois, après que l’accastillage et le gréement auront été réalisés par Benoît Chauchat. « Alors je serai fixé sur la pertinence économique du projet, conclut Pierre. Pour autant, à l’avenir, même si je souhaite conserver le plaisir du travail du bois, j’aimerais qu’on puisse débiter en numérique aussi les pièces en massif, au moins celles inférieures à 1 m de long qui ne sont pas trop sujettes aux variations d’hygrométrie. On gagnerait encore du temps, donc de la rentabilité. »