Il y a presque deux ans, nous consacrions un long article (CM 275) aux plates en ciment du marais Poitevin, précisant que, malheureusement, « les témoins de leur construction n’étaient plus là pour raconter leur histoire »… Eh bien nous nous trompions ! Jean-Pierre Petorin, dont le père construisait encore des bateaux en ciment au début des années soixante, est en effet parvenu à retrouver deux anciens ouvriers qui n’ont rien oublié des tours de main nécessaires. Une nouvelle construction pouvait alors être envisagée. Un des moules en bois – celui d’une plate de 13 pieds, soit environ 4 m de long – a par chance été conservé par le musée du marais Poitevin ; il suffisait de le retaper un peu. Concernant les matériaux, pas de problème pour les 70 kg de ciment et les 6 m2 de grillage. En revanche, impossible d’obtenir 120 litres de sable de Loire (réputé pour sa finesse) : son exploitation est aujourd’hui interdite. C’est donc en Haute-Vienne qu’il a fallu aller en chercher. Un samedi matin de mars, rendez-vous était fixé dans les ateliers de la Maison des familles rurales de Maillezais (marais Poitevin). À côté d’un des derniers batais en bois encore conservés, le moule de construction était déjà remonté. Didier Quillet, ancien ferronnier, et Michel Audouin, ancien maçon, retrouvaient immédiatement des gestes vieux de cinquante ans. Les grillages et quelques renforts étaient disposés, la meuleuse électrique permettant de gagner du temps. Quelques habitants informés de l’événement étaient venus voir : à Maillezais et dans ses environs, de nombreux bateaux en ciment dont on a oublié l’année de construction naviguent toujours… Le second samedi était consacré au cimentage de la coque, par l’intérieur, conformément à la tradition. Quinze jours plus tard, le temps que le ciment ait bien pris, c’était l’émotion du démoulage puis du retournement, qui se sont passés sans accroc. Les anciens pouvaient alors procéder aux finitions et au lissage parfait des surfaces. Pour environ 300 € de matériaux et une trentaine d’heures de travail, un batais de 250 kg environ venait de naître. Ne restait plus qu’à le mettre à l’eau… et se demander à quand le prochain ?
Article écrit par Alain Barrès