En 31 avant notre ère, Cléopâtre et Octave s’affrontent lors de la bataille navale d’Actium, sur la côte du golfe Ambracique, en mer Ionienne. Les navires de la reine d’Égypte sont défaits, incapables d’avancer.
Selon la tradition antique, des rémoras se seraient fixés sur les coques… Mais cette explication a été récemment remise en question par une équipe interdisciplinaire du CNRS et de l’université de Poitiers, qui propose une autre théorie.
Ces chercheurs étudient le phénomène des « eaux-mortes », bien connu des marins scandinaves. Lorsqu’un bateau navigue, il génère un sillage dit « classique », qu’on constate en surface.
Mais dans les endroits confinés comme les fjords par exemple, quand des différences de salinité créent une « marche de densité » entre eux couches d’eau, le bateau génère une onde supplémentaire, sous la surface cette fois, qui se déplace à une vitesse différente de celle de la carène du navire.
Ce sillage dit « interne » met un certain temps à s’établir, mais une fois qu’il apparaît, il influe sur la progression du bateau, de manière différente selon le tirant d’eau, la vitesse, ou encore la forme de la coque. Ainsi, si le bateau est profond, il se verra stoppé par le sillage interne, « comme si le bateau avançait sur un tapis roulant bosselé d’avant en arrière », explique Germain Rousseaux, chercheur au CNRS. Si sa vitesse est suffisante, le bateau peut parvenir à s’échapper, voire profiter de l’onde interne pour accroître encore sa vélocité.
« Cette marche de densité peut aussi apparaître dans les lacs alpins, précise Germain Rousseaux. C’est alors la conséquence d’une différence de température. On la trouve aussi à l’embouchure de fleuves comme le Congo, la Loire ou la Garonne… »
Revenons à la bataille d’Actium : la zone ayant plusieurs couches de densité différente – des rivières se jettent dans le golfe Ambracique, presque fermé, et où des différences de salinité notables peuvent être observées – les scientifiques ont ainsi émis l’hypothèse que les navires de Cléopâtre, lourds, avec un tirant d’eau de 2 à 3 mètres, auraient pu avoir été victimes du phénomène des eaux-mortes face aux bateaux plus légers, profonds de seulement 1,20 mètre, de son adversaire Octave. Arnaud Jouny