« L’écologie, la question environnementale, l’urgence climatique sont à l’évidence le prochain défi de tous les médias et ceux du service public en premier lieu. » Ainsi débute le communiqué de France Télévisions annonçant la diffusion de la série Abysses, adaptation du best-seller éponyme de l’écrivain allemand Frank Schätzing (2004). Le problème est donc de traduire l’urgence climatique en récit filmique, qu’il soit documentaire ou fictionnel.
Dans ce dernier registre, les auteurs doivent répondre à des questions assez classiques de décors, de personnages et de genres cinématographiques. Portée par un casting international, la série Abysses fait dans un premier temps le choix d’une histoire située sur tous les littoraux du monde, du Pacifique Nord aux côtes de l’Afrique de l’Ouest, en passant par Venise et les îles Shetland. Des phénomènes étranges s’y déroulent, tirant le récit vers le film catastrophe : vagues géantes, bulles de méthane tueuses, invasions de crabes, de vers et de méduses, attaques de baleines à bosse… La série fait une incursion dans le genre du film d’horreur, quand un chef cuisinier meurt des effets secondaires d’une substance putride exsudée par des homards défraîchis. Pour comprendre ce qui est en jeu, une communauté scientifique cosmopolite – un spécialiste amérindien des cétacés, une chercheuse française en épidémiologie, une thésarde allemande rebelle, une physicienne américaine, un océanographe norvégien – se constitue et embarque vers le Svalbard à bord d’un navire polaire, avec pour mission de dialoguer avec le « Yrr », un être unicellulaire qui coordonne cette révolte de la Nature contre l’Homme…
Ce Deus ex machina, en forme d’intelligence extra-terrestre fluorescente, enfoui dans les profondeurs océaniques, ainsi que les scènes de plongée de mini sous-marins, font irrésistiblement penser aux films de James Cameron, en particulier Abyss (1989). La série et le film ont en commun leur titre, ainsi que des images époustouflantes d’exploration des fonds marins. Mais Cameron arrive à nous intéresser à ses personnages – en particulier des commandos marine paranoïaques ou le couple Brigman (Ed Harris et Mary Elizabeth Mastrantonio) qui se retrouve sous les mers –, tandis que la série éprouve de sérieuses difficultés à les faire exister. Malgré un format long (8 x 45 mn), les histoires individuelles peinent à se développer face à la destruction imminente de l’humanité sur tous les littoraux du monde. C’est peut-être le constat le plus angoissant de cette série, pour le cinéma comme pour nos vies. ◼
Vincent Guigueno
La série Abysses est disponible jusqu’en 2029 sur la plateforme France TV.