Point de pommes d’or au Port-musée de Douarnenez, même si les tomates importées du Mexique en Europe ont pu y faire penser au début, certaines étant orange. Mais dans la liste des végétaux « exotiques » présentés dans l’exposition « Au jardin des Hespérides, ces plantes de Bretagne venues d’ailleurs », on trouve des artichauts, des pommes de terre, des oignons, des fraises de Plougastel, du sarrasin, des mimosas, des hortensias, des camélias… autant de plantes courantes aujourd’hui sous nos climats, mais aussi peu indigènes que les palmiers de certains jardins.
L’exposition nous fait voyager de la Méditerranée, d’où le sarrasin est originaire, jusqu’au Pacifique où poussent camélias, hortensias et autres mimosas, en passant par l’Amérique, avec les grandes expéditions des XVIe, XVIIIe et XIXe siècles, qui embarquaient toujours un naturaliste ou un botaniste. « On sait que les importations après le XVe siècle découlaient d’une volonté politique de documentation mais aussi de sécurité alimentaire pour faire face aux famines qui ponctuaient régulièrement les siècles, précise Sarah Chanteux, directrice par intérim du Port-musée et conservatrice du patrimoine. Ces plantes avaient aussi une utilité pour la pharmacopée et bien sûr pour l’ornementation. »
Au détour d’une salle, on se retrouve dans la cale d’un navire d’expédition, souvent marchand ou militaire, reconverti pour ces voyages. Au centre, trône la caisse de Ward, une boîte en bois, fermée hermétiquement avec du mastic, inventée en 1840 par Nathaniel Ward pour le transport des plantes. « Le voyage à bord était très dur pour les végétaux, ajoute Sarah Chanteux. Avant l’arrivée de cette serre, ancêtre du terrarium, seulement 5 pour cent des plantes embarquées arrivaient en Europe. Très gourmandes en eau douce, denrée précieuse sur un bateau, elles étaient très encombrantes pour les marins, qui parfois les jetaient par-dessus bord. Elles subissaient aussi les embruns, le soleil, les rats, les chats. Avec la caisse de Ward, on a pu ramener 90 pour cent des plantes. »
Les végétaux pouvaient aussi voyager sous une autre forme, comme en témoigne une vitrine présentant des pots en verre remplis de graines. Des œuvres originales et contemporaines ponctuent aussi l’exposition, comme les caisses de Ward de Patricia Chemin en papier de soie et papier à musique.
Les plantes étaient débarquées dans trois ports dotés de jardins botaniques, Nantes, Brest et Lorient, où elles devaient s’acclimater. « À Brest, c’étaient les médecins de la Marine qui s’en chargeaient, à Nantes, des apothicaires. »
Après ce séjour au jardin, les plantes se retrouvaient dans les champs bretons. Certaines sont devenues des symboles emblématiques de la Bretagne ou de son agriculture, à l’instar des hortensias, ou des oignons roses de Roscoff, devenus Appellation d’origine protégée. M. L.-C.
Exposition ouverte jusqu’au 2 novembre 2025, au Port-musée de Douarnenez.
Publié dans Le Chasse-Marée 339 – Juin-Juillet 2024