Entre 1817 et 1825, deux canaux sont creusés pour renforcer le transport fluvial de marchandises dans le Nord-Est des États-Unis. Le premier relie New York au lac Érié, tandis que le canal Champlain relie l’extrémité Sud du lac Champlain au fleuve Hudson. Avec l’ouverture de ces deux voies navigables, le transport fluvial dans la région s’intensifie et des bateaux de fret à voile, de taille, de formes et de gréements très divers sont construits. Principale caractéristique commune : leurs mâts peuvent être amenés à l’entrée du canal.
En 1841, les armateurs adoptent le gréement de goélette pour leurs bateaux, qui mesurent environ 24 mètres de long pour 4 mètres de large. En 1862, le canal Champlain est agrandi et les bateaux suivent le mouvement : ils atteignent désormais près de 27 mètres de long. Avec l’avènement de la vapeur puis le développement des routes commerciales, l’activité des voiliers de charge du lac se réduira vers la fin du XIXe siècle.
Aujourd’hui, l’histoire de ces goélettes des canaux est connue grâce aux sources écrites et à des plans du type de 1841. En 1980, les restes du General Butler, un bateau du type de 1862, ont été retrouvés près du port de Burlington, sur le lac Champlain, permettant d’en savoir un peu plus sur cette seconde génération de bateaux du canal. Deux ans plus tard, l’épave de l’O. J. Walker, de la même époque, est inventée non loin de la première. C’est le musée du lac Champlain qui assure les fouilles et la préservation des sites sous-marins : cette institution promeut l’histoire fluviale de la région, en organisant de nombreuses activités à terre comme sur l’eau, avec la construction de chaloupes à rames du lac et des sessions d’apprentissage de la navigation pour les scolaires.
Suite à la découverte des épaves, les conservateurs ont l’idée de construire une réplique de ces bateaux, afin « de comprendre ces goélettes des canaux, uniques dans notre région, la façon dont elles étaient manœuvrées, la vie à bord et les impacts sur la vie des berges et le commerce. » Le musée fait alors appel à l’architecte Ron A. Smith qui, à partir des travaux de recherche, dessine les plans d’une goélette du type de 1862.
La Lois McClure, ainsi baptisée d’après une importante mécène du projet, sera construite au cours des trois saisons touristiques de 2002 à 2004, au chantier naval de la Compagnie de transport du lac Champlain, basée à Burlington, spécialisée dans la construction de ferries depuis 1823. Ouvert aux bénévoles et aux curieux, il est dirigé par quatre charpentiers professionnels. La coque de 26,8 mètres de long et de 4,41 mètres de large, pour un port en charge de 60 à 120 tonnes, est construite en chêne blanc, tandis que les roufs et le pont sont taillés dans du pin blanc et les espars dans du spruce blanc, des essences issues des forêts du Vermont, de l’État de New York et du Maine. Ses trois voiles (misaine, grand-voile et trinquette) totalisent 211 mètres carrés de surface.
Juste après sa mise à l’eau, début juillet 2004, Lois McClure s’offre un tour inaugural des ports du lac Champlain puis enchaîne les navigations, jusqu’à New York et Québec, multipliant les démonstrations de halage et les reconstitutions historiques.
À partir de 2020, la pandémie force la goélette à rester à quai pendant deux ans. Des travaux sont à prévoir, posant la question de son futur. Après quelque temps de réflexion, la décision est prise de la désarmer définitivement en octobre 2023 : Lois McClure deviendra un musée à terre, sur les berges du lac.
Une position qui pourrait en étonner plus d’un, surtout de ce côté-ci de l’Atlantique. Les conservateurs et l’équipe de charpentiers justifient cependant leur choix en soutenant qu’ils considèrent que Lois McClure a accompli sa mission d’ambassadrice de l’histoire du lac Champlain et d’outil d’expérimentation. Désormais, l’entretien sur le long terme pourrait s’avérer trop lourd pour le musée : « comme le souligne le Marlinspike Magazine [périodique traitant de l’histoire et l’actualité des grands voiliers de la côte Nord-Est des États-Unis, ndlr], les bateaux en bois ne “prennent pas leur retraite. Ils sont vendus, changent de propriétaire, sont abandonnés, sont cassés, coulent à leur place à quai…” En tant qu’historiens et constructeurs, nous ne voulions pas que notre Lois finisse de cette façon. »