L’association des Vieux gréements de Saint-Nazaire a récupéré en 2019 deux bateaux construits sur son temps libre par l’ancien ingénieur naval Jean Castex (1898-1972). L’un d’eux est un étonnant catamaran en alliage d’aluminium, aujourd’hui en restauration.
« Quand nous avons présenté notre catamaran en Duralumin lors de la dernière Solitaire du Figaro, racontent les adhérents de l’association des Vieux gréements de Saint-Nazaire, tout le monde s’est exclamé : c’est le prototype d’une nouvelle série ? – Mais non, c’est un bateau qui date de 1934… » L’association, fondée en 1987, propriétaire de cinq bateaux, s’occupe depuis septembre 2019 d’Alucat, un catamaran construit en Duralumin – alliage à base d’aluminium, de cuivre, de magnésium et de manganèse, utilisé aujourd’hui principalement dans le domaine de l’aviation – par Jean Castex (1898-1972). Cet ingénieur des Ateliers et Chantiers de Saint-Nazaire-Penhoët, qui a notamment participé à la construction de grands bateaux de la Marine comme le croiseur école Jeanne-d’Arc ou le croiseur mouilleur de mines Émile-Bertin, passionné par la mer, était aussi inventeur à ses heures…
Intéressé par les pirogues doubles d’Océanie découvertes à la lecture du journal Le Yacht, Jean Castex imagina « un petit voilier à deux coques [chacune mesure 4,50 mètres par 50 centimètres de large], reliées par deux tubes très résistants [de 4 mètres] et articulés, à charnières derrière, à rotules devant », ainsi qu’il le décrit dans le Courrier de Saint-Nazaire en 1934. Il ajoute une nacelle en contreplaqué, fixée sur la poutre axiale juste derrière le mât en Duralumin de 7 mètres. Deux personnes peuvent y prendre place avec du matériel, le barreur s’asseyant sur un siège en rotin installé dans la nacelle. « La particularité de ce bateau baptisé Alucat, précise-t-on à l’association, c’était le matériau bien sûr, encore peu courant à l’époque, mais aussi le volant, ou plutôt les deux volants superposés qu’il avait installés dans la nacelle. Le plus grand contrôle les safrans, tandis que l’autre permet d’établir la voile gréée sur une bôme à enrouleur. »
En 1958, Jean Castex, alors chef du service technique des constructions navales au Bureau Veritas – où il travaillera jusqu’à sa retraite, en 1965 –, décide de modifier quelque peu son catamaran pour ses quatre enfants, en remplaçant la nacelle par une plate-forme en contreplaqué dotée de caissons à l’avant pour le matériel. Le volant est remplacé par une barre franche. « Nous aimions sortir pour aller pique-niquer sur l’île des Évens, au milieu de la baie de la Baule, raconte Marie-Claude Castex, fille de l’ingénieur, dans un récit publié par la revue associative Histoire et culture en région nazairienne. Nous avons navigué avec jusqu’à la fin des années 1960. Peu à peu, des catamarans plus légers apparaissaient, les petits dériveurs se faisaient plus nombreux, en même temps que se développait le tourisme. » Pendant ce temps, Jean Castex s’était lancé dans la construction de Simex, un Super Simoun comme ceux des chantiers Gouteron, voilier habitable de 5,80 mètres auquel il apporte sa touche personnelle, une quille « papillon » en deux parties. Une pompe hydraulique permettait de ramener celles-ci contre la coque, en position horizontale, ou de les déployer à nouveau, système breveté par Jean Castex en 1966. « On a remisé les flotteurs d’Alucat dans le garage et ce nouveau voilier fit le bonheur de la famille », ajoute encore Marie-Claude Castex. Simex rejoint ensuite le catamaran dans le garage, où les deux constructions expérimentales resteront jusqu’en 2019. Elles sont alors données par la famille à l’association des Vieux gréements de Saint-Nazaire. Si le Super Simoun est encore en très bon état, et ne nécessite que quelques travaux de peinture et un nouveau jeu de voile, Alucat, en revanche, accapare les adhérents. Il manque en effet l’ensemble du gréement et de nombreuses pièces, tandis que d’autres sont très corrodées. « Nous voulions lui rendre son aspect de neuvage, mais nous n’avions aucun plan, simplement des photographies et un croquis effectué par Jean Castex dans un carnet en 1971, détaille l’association. En étudiant ces éléments et en prenant les cotes des pièces du catamaran tel que la famille Castex nous l’a donné, l’un de nos adhérents a dessiné des plans. »
L’un des bras de liaison étant très attaqué par la corrosion, les cinq adhérents qui travaillent régulièrement sur le chantier en construisent un nouveau « à partir d’un tube d’aluminium AG4 – le Duralumin n’étant plus si courant –, de même dimension que l’original – 100 millimètres de diamètre et 2 millimètres d’épaisseur. »
Ils changent aussi la poutre axiale, sur laquelle reposera le nouveau mât, adapté d’un ancien 470. Toujours dans l’idée de revenir au catamaran pensé par Jean Castex, le président de l’association a décidé d’installer à nouveau le système de commande, le double volant se trouvant parmi les pièces données par la famille Castex. Un adhérent a offert un ancien siège en rotin « très semblable à l’original, si l’on se fie aux photos ». Les voiles proviennent aussi du 470, et ont été adaptées à Alucat.
Quant aux flotteurs, construits en tôle de Duralumin de 2 millimètres, « ils sont restés en très bon état. Nous les avons mis à nu, faisant apparaître les rivets utilisés pour assembler les tôles. »
L’association espère pouvoir mettre à l’eau les deux anciens bateaux de Jean Castex en juin, afin de pouvoir profiter de la saison.
Retrouvez un dossier de photographies et d’archives consacré à Alucat, Simplex, ainsi qu’à la vie et aux autres travaux de Jean Castex sur notre site Internet <chasse-maree.com/revue>.