Le phare de Moguériec, autrefois édifié à Honfleur, a été déplacé en 1960 à son emplacement actuel à la demande des pêcheurs langoustiers de Sibiril, dont l’activité florissait, afin de sécuriser l’abord de nuit de ce petit abri de la côte du Finistère Nord. Subissant les affres du temps, le bâtiment en fonte et acier a rouillé et en 2015, un diagnostic des Phares et Balises le condamnait à la déconstruction. « Il y a eu beaucoup d’émoi à Sibiril à cette annonce », raconte Arnaud Lampire, cofondateur de l’association Sauvons le phare de Moguériec, constituée en 2016 autour des défenseurs de ce patrimoine. « Mais l’histoire qu’on connaissait ne suffisait pas à sauver le phare : il fallait que nous lui donnions une vraie légitimité. »
En parcourant les archives de Honfleur et de la Bibliothèque nationale de France, les bénévoles découvrent alors que le phare a été construit à Paris par Gustave Eiffel, avant son installation à Honfleur en 1876. Il fait partie d’une série de douze phares bâtis sur un même plan de l’ingénieur : « Ils ne sont cependant pas tous identiques, car des éléments architecturaux et techniques pouvaient être modifiés par les commanditaires », précise Arnaud Lampire.
L’inscription au titre des Monuments historiques leur est refusée, mais l’association ne lâche pas l’affaire : elle propose aux Phares et Balises de récupérer la gestion du phare pour les deux prochaines années, et donc de s’occuper elle-même de la restauration, ainsi que du financement des travaux, estimés à 540 000 euros. Les premiers deniers sont obtenus grâce à une vente aux enchères de tableaux de peintres de la Marine, entraînés par Stéphane Ruais. « Mais c’est une subvention du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche qui a tout débloqué, continue Arnaud Lampire. Des entreprises nous aident et, notre association ayant été reconnue d’intérêt général, les dons défiscalisés affluent. »
Les travaux démarrent en mai dernier : 50 tonnes de béton sont coulées dans un coffrage en bois afin de refaire le socle, plus large et plus robuste. Le phare lui-même est restauré par l’entreprise de métallerie et de ferronnerie d’art Crézé, à Saint-Jacques-de-la-Lande. « Tout a été repris et retravaillé, les balcons, la girouette, la coupole. Seul le fût en acier a été remplacé par une pièce en Inox. » Quant au système d’éclairage du phare, le Service de signalisation maritime, qui en reprendra l’exploitation, installera un feu à LED. « Notre bâtiment continuera de servir au port », précise Arnaud Lampire. L’association attend désormais l’Armorique, des Phares et Balises, qui ramènera le phare à Moguériec et le posera au printemps prochain.