©mélanie joubert

Honfleur compte cinquante-sept édifices classés Monuments historiques, dont le très beau bâtiment de la Lieutenance, racheté en 2004 par la mairie et restauré à partir de 2015. Depuis 2023, il abrite le Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (ciap) où l’histoire de la ville est retracée sur mille ans. Mentionné pour la première fois en 1025, le havre de Honfleur n’est alors qu’un petit abri d’échouage avant de devenir le principal port de l’estuaire de la Seine au xve siècle. La Lieutenance, vestige des fortifications de la ville élevées au xive siècle par le roi Charles V, prend son nom actuel, lorsque le lieutenant du roi s’y établit à la fin du xve siècle.

Si les xviie et xviiie siècles sont prospères grâce au commerce, au cabotage et à la grande pêche, les chantiers navals déclinent à partir de 1840 ; le port se tourne alors vers le bois avec l’ouverture de la ligne de chemin de fer Paris-Cherbourg – qui permettra aussi au tourisme de prendre son essor et une place prédominante dans l’économie locale, la réclame vantant l’un des « plus beaux panoramas de France » à quatre heures de Paris. Un panorama auquel bien des artistes ont été sensibles – de Turner à Boudin, de Monet à Jonking.

La visite de la Lieutenance, avec vidéos, maquettes tactiles, éléments à manipuler, est interactive et ludique et rend bien compte de l’identité maritime de la ville à travers les figures de grands marins, tels que Binot Paulmier de Gonneville et Samuel de Champlain. La pêche, des crevettiers aux morutiers, ou la traite négrière, sont aussi au cœur des thématiques.

Depuis la terrasse, avec vue privilégiée sur le Vieux-Bassin, on aperçoit la chaloupe Sainte-Bernadette, classée monument historique en 1992. Construite en 1926 aux chantiers d’Eugène Méterie de Honfleur, elle a longtemps pratiqué le chalut à crevette et la petite pêche côtière. En 1944, une grenade allemande la coule dans le port, mais elle est renflouée et réparée. En 1954, elle est cédée à Jacques Cauchois, qui la rebaptise Sainte-Bernadette. À la retraite de ce patron, trente et un ans plus tard, elle change plusieurs fois de mains, avant d’être délaissée.

En 1990, l’association La Chaloupe la restaure et la présente à Brest 92, où elle obtient, entre autres, le deuxième prix spécial de la restauration (CM 80). Elle fait les beaux jours de l’association… jusqu’en 2020, où celle-ci lance un cri d’alarme, n’ayant plus les moyens de l’entretenir, ni de la restaurer. La ville de Honfleur reprend le flambeau et finance les travaux au chantier du Poudreux. Depuis 2023, elle est rattachée au ciap de la Lieutenance.  Mélanie Joubert

Publié dans Le Chasse-Marée 341 – Octobre-Novembre 2024