Par François Chevalier et Jacques Taglang* - "Majesté, il n'y a pas de second ! " Cette adresse — apocryphe — à la reine Victoria n'a pas peu contribué à la fondation d'un des mythes les mieux enracinés de toute l'histoire du yachting. Pourtant, contrairement à la légende, "America" n'écrasa pas ses adversaires lors de la première régate internationale courue autour de l'île de Wight. La célèbre goélette américaine n'était d'ailleurs pas imbattable, comme en témoignent les résultats de plusieurs matchs disputés de part et d'autre de l'Atlantique. Ce n'était pas non plus un bateau révolutionnaire : en 1851, il marquait simplement l'ultime perfectionnement d'une longue lignée de goélettes-pilotes du port de New York. Malgré tout, "America", née à l'apogée de la construction navale américaine, en plein boom des clippers, fut effectivement un bateau remarquable. Et sa victoire à Cowes, grossie à l'époque par la presse britannique qui alla jusqu'à provoquer une intervention à la Chambre des Communes, déclencha une émulation décisive parmi les architectes navals de yachting. La course au progrès ainsi engagée ne devait plus jamais se démentir; près d'un demi-siècle après la victoire de la fameuse goélette noire, les grandes nations maritimes se disputent toujours le vénérable trophée, qui est devenu l'enjeu d'une gigantesque bataille sportive, technologique et financière.